Le message, ce n’est pas toujours le médium est une étude de cas qui illustre les défis d’utiliser des programmes axés sur les arts comme méthode pour faire de l’engagement jeunesse. Cette étude de cas présente une situation où le programme axé sur les arts ne comportait pas un volet d’apprentissage autour d’un enjeu. Pour que l’art ait un sens et soit mémorable, les jeunes doivent se sentir connecté-e-s et impliqué-e-s en faveur d’une cause.
Une organisation pour laquelle je travaillais avait du financement disponible pour les jeunes, ou pour des organisations travaillant auprès de jeunes, pour faire des projets axés sur les arts sur des questions de justice sociale mondiale. Nous avons demandé aux jeunes et aux organisations travaillant auprès de jeunes de nous présenter des demandes de subvention, nous indiquant ce qu’ils souhaitaient faire, combien d’argent ils avaient besoin, et quel lien cela avait avec la justice sociale mondiale. Nous avons reçu des demandes assez variées et en avons retenu la plupart. Une des demandes les plus intéressantes venait d’un groupe qui souhaitait jumeler des jeunes de milieux urbains défavorisés avec des jeunes d’un pays en développement (par le biais de Jeunesse Canada Monde) pour créer une murale amovible sur le thème « plus d’aide et une aide de meilleure qualité ». Quelle idée géniale! Cela nous permettait d’impliquer des jeunes dans nos programmes – ce que nous avions peu réussi à faire jusqu’à présent – et de créer quelque chose que nous pourrions réutiliser sur une base régulière. Nous leur avons octroyé le financement sans la moindre hésitation.
Pendant les mois qui ont suivit je suis restée en contact avec le projet et il me semblait que tout progressait à merveille. Lorsqu’on nous a présenté le projet fini, c’était une murale de six pieds par neuf pieds très colorée. À première vue j’étais ravie, mais plus je regardais la murale de près et plus j’étais déçue. « Plus d’aide et une aide de meilleure qualité » offrait une vue aérienne du monde. D’un coté (probablement l’Amérique du Nord) il y avait des visages blancs souriants et une usine dont sortaient des boites ornées du sigle de la Croix-Rouge. Des camions transportaient ces boîtes jusqu’à des avions qui les larguaient ensuite des airs vers des personnes de l’autre coté de l’océan (probablement en Afrique). Cette terre était peuplée de visages noirs au regards désespérés (il y avait aussi une girafe).
Le message véhiculé par cette murale était très problématique, même si ce n’était pas la faute aux jeunes et que le projet était bien intentionné. C’est ce genre d’aide-catastrophe que l’on voit aux nouvelles et dans des publicités, mais ce n’est certainement pas « l’aide de meilleure qualité » à laquelle notre organisation fait référence. Nous avions pensé que les concepts de solidarité, d’autonomisation, de renforcement des capacités, etc. seraient représentés dans la murale. Maintenant je me demande bien comment nous avons pu penser que des jeunes de milieux urbains défavorisés et de pays en développement auraient pu, comme par miracle, deviner nos attentes et représenter ces idées complexes dans une murale.
Nous avons appris que l’utilisation de l’art et des médias peut être un moyen efficace pour impliquer davantage de jeunes et une plus grande diversité de jeunes dans nos programmes, mais que les jeunes doivent se sentir concerné-e-s par les enjeux pour que cela ait vraiment un sens.