Adapté de « The Community Builder’s Approach to Theory of Change: A Practical Guide to Theory Development », par The Aspen Institute, Roundtable on Community Change [Le travailleur communautaire et son approche de la théorie du changement: guide pratique pour l’élaboration de la théorie]

Une théorie du changement balise notre compréhension de la façon dont survient le changement le long d’un itinéraire, ce qui nous aide à distinguer les étapes nécessaires pour atteindre notre ou nos objectifs à long terme. Le fait de disposer d’une théorie du changement peut nous aider à planifier des interventions qui appuieront les changements que nous recherchons et qui pourront aussi nous éviter de faire des erreurs dans leur mise en œuvre.

D’après « The Community Builder’s Approach to the Theory of Change», toute théorie du changement comporte quatre éléments fondamentaux:

  1. Un chemin critique qui illustre les rapports entre différents résultats dont on juge qu’ils sont des conditions préalables à notre objectif à long terme.
  2. Des indicateurs assez précis pour nous permettre de mesurer la réussite de ce que nous faisons.
  3. Des interventions qui auront pour but d’instaurer les conditions préalables définies par le chemin critique, à chacune des étapes de l’itinéraire.
  4. Des hypothèses qui expliquent les idées fondamentales à la base de notre théorie.

Il est parfois difficile d’élaborer une théorie du changement, car il se peut que nos objectifs à long terme et les conditions nécessaires pour les atteindre soient difficiles à mesurer (par exemple, les changements dans la perception des gens). C’est pourquoi il est particulièrement important d’articuler clairement nos objectifs et la façon dont nos activités et notre programme nous aident à les atteindre.

1ère tâche : identifier le résultat à long terme

Il importe de commencer par bien comprendre l’objectif à long terme de notre travail. Souvent nous tenons pour acquis que nous travaillons toutes et tous en vue d’objectifs semblables, mais vous seriez surpris de découvrir que des gens qui travaillent sur le même projet peuvent avoir des idées très différentes sur les résultats qu’ils recherchent à long terme. Ce résultat à long terme doit être précis: un « méga-objectif » (« construire un monde meilleur ») n’est pas assez précis pour une théorie du changement. 

2e tâche : concevoir un itinéraire de changement

La prochaine étape consiste à tracer, à reculons, l’itinéraire des résultats, en partant de notre objectif à long terme. Ce chemin critique ne décrit pas encore vos activités ou vos interventions, mais présente les résultats ou les changements nécessaires pour arriver au résultat à long terme. Vous pourriez envisager ces étapes comme des conditions préalables, des ingrédients ou des pièces maîtresses du changement à réaliser. Il sera très utile de faire une « planification à rebours » en partant de la fin (de l’objectif, pour remonter au début. 

3e tâche: opérationnaliser les résultats

L’étape suivante vise à définir des indicateurs qui vous permettront de savoir à quel moment ou de quelle façon vous atteindrez vos résultats. Pour chaque résultat, nous pourrions nous demander : « Quelle sera la preuve que nous aurons atteint ce résultat ? » Il est important d’utiliser des indicateurs qui reflètent réellement ce que nous essayons de faire, et pas seulement des données auxquelles nous avons accès facilement. [Vous trouverez d’autres renseignements sur les indicateurs dans notre module « P : Définir la portée de vos activités et identifier le public cible » ainsi que dans le document du Centre Aspen déjà cité, A Community Builder’s Approach to a Theory of Change.

4e tâche : définir des interventions

Il faudra ensuite envisager les activités et les programmes à mettre au point pour atteindre chacun des résultats échelonnés sur l’itinéraire de changement. Songez qu’en règle générale, un seul « méga-programme » n’arrive pas à donner tous les résultats recherchés et qu’il faut habituellement plusieurs interventions pour obtenir différents résultats.

Cette étape n’a pas à comprendre la planification détaillée du programme; il suffit de décrire à grands traits le genre d’activités ou d’interventions susceptibles de produire les changements que mesureront les indicateurs.

5e tâche : formuler des hypothèses

Enfin, il faudra réfléchir aux hypothèses tacites qui ont influencé la planification. Par exemple, pourquoi est-ce que je suppose que X est nécessaire pour obtenir Y? Pourquoi est-ce que je crois que X nous conduira à Y? Ces hypothèses peuvent émerger à d’autres étapes de la démarche, et vous pourrez les reprendre pour les discuter à la dernière étape. 

Remarquez qu’une théorie du changement est un chantier en évolution. Tester la théorie du changement, la réexaminer, la réévaluer et la repenser, cela ne pourra qu’accroître sa force. En intégrant les indicateurs à votre cadre d’évaluation et à votre processus de collecte de données, vous serez certains d’avoir l’information nécessaire pour vérifier si votre théorie du changement fonctionne en pratique et/ou s’il y a lieu de la réviser, et en quel sens.